Roll The DICE... Why? Because The DICE knows! It also knows how to best deliver what it knows!
L'avènement des tablettes tactiles de type iPad n'est pas anodin. Avec ces tablettes, nous récupérons l'usage de nos mains et de nos doigts. La bibliothèque numérique que l'on consulte à partir de ce type de tablettes devient réellement bibliothèque digitale. On retrouve la préhension si caractéristique de l'usage du livre papier : nos pouces opposés aux autres doigts permettent de saisir confortablement la tablette. Cette préhension nous assure une mobilité inégalée et c'est sans doute ce qui explique, d'après les études récentes, le fort usage domestique des tablettes. L'utilisateur « fait corps » avec la tablette et peut ainsi l'utiliser où bon lui semble1. Certes, il en va de même du livre papier que nous pouvons lire en tout lieu.
Cette lecture est usuellement une lecture « d'immersion ». Le lecteur est concentré sur son livre : pour employer un terme de linguistique cognitive, le livre est le focus, l'objet de l'attention. Lire Harry Potter ou L'Homme sans qualités requiert indubitablement une concentration, un temps durant lequel le lecteur est seul livre en mains, absorbé par le texte. Pour reprendre la description de Nicholas Carr :
« The sense of self-containment is what makes a good book so satisfying to its readers, and the requirement of self-containment is what spurs the writer to the highest levels of literary achievement. The book must feel complete between its edges. »2
C'est précisément ces dimensions d'autonomie et de complétude qui font de l'écriture et de la lecture du livre Gutenberg des expériences uniques. Les frontières du livre que nous saisissons entre nos mains définissent le principe même d'une expérience riche et pourtant singulièrement fermée.
Cette fermeture est un paradoxe à l'heure d'un web ultra-connecté, hyper-relié qui semble faire de chacun de nous non plus des fourmis du contenu mais des cigales de l'hyperlien. L'idée d'un espace fermé est antinomique du web comme le rappelle Nicholas Carr :
« The idea of edges, of separateness, is antithetical to the web, which as a hypermedium dissolves all boundaries, renders implicit connections explicit. Indeed, much of the power and usefulness of the web as a technology derives from the way it destroys all forms of containment and turns everything it subsumes into a part of a greater, ever shifting, amorphous whole. The web is an assembly not of things but of shards, of snippets, of bits and pieces.
An electronic book is therefore a contradiction in terms. To move the words of a book onto the screen of a networked computer is to engineer a collision between two contradictory technological, and aesthetic, forces. Something's got to give. Either the web gains edges, or the book loses them. »3
Le web s'inscrit dans cette tension permanente et brouillonne entre le focus et le contexte au terme de laquelle l'important n'est apparemment plus de « savoir » mais de « savoir où cela se trouve »
1Bret Victor, ancien d'Apple, est plus réservé quant à ce retour des mains : http://worrydream.com/ABriefRantOnTheFutureOfInteractionDesign/
2In http://www.roughtype.com/archives/2011/09/the_seethrough_1.php
3Idem note 3
C'est cette tension qu'Amazon tente aujourd'hui d'exploiter avec son Kindle Fire et son système X-Ray. Pour faire simple, chaque livre électronique acheté sur Amazon « embarque » un ensemble d'informations (par exemple Wikipedia) liées au contenu du livre ou plus exactement aux phrases qu'Amazon juge intéressante. Le lecteur peut alors s'évader du texte pour approfondir dans Wikipedia ou ailleurs les phrases ou les mots intéressants du texte. Mais, là encore, il s'agit d'un arpentage local. Le texte est arpenté au moyen des ressources jugées adéquates par Amazon. Quel que soit, le jugement que l'on porte sur ces assauts portés au livre et à son auteur, il nous semble une fois de plus que cet arpentage local est étriqué et procède d'une mauvaise interprétation de la tension focus-contexte.Cette tension est paradoxalement bien mieux maîtrisée dans une bibliothèque municipale ou dans une librairie. Le livre, objet du focus, est en contexte. Il a des voisins proches et lointains, visibles à l'oeil nu, organisés selon les préceptes d'Euclide. La bibliothèque et la librairie sont les lieux du contexte et dans la mesure où nous pouvons y lire des livres elles sont aussi le lieu du focus. Mais, il s'agit d'un contexte bien particulier ordonné selon les règles de l'art du bibliothécaire et du libraire. Comme nous l'avons vu, la bibliothèque numérique procède d'un autre art (et d'une autre science), celui de la géométrie de l'information. En capturant l'information (sur les livres et surtout sur les relations des lecteurs aux livres), la bibliothèque numérique définit son architecture et la dynamique de celle-ci. La tension focus-contexte se résout alors naturellement dès lors qu'elle exprime le passage « sans heurt » du livre (focus) vers la bibliothèque numérique (son contexte) et vice-versa. La résolution de cette tension s'exprime par une interface que nous avons baptisée The DICE (Digital Content Exploration).
The DICE correspond à ce souci de restituer à chaque lecteur à tout moment en toute continuité une image locale et une image globale du livre qu'il est en train de lire. L'idée est de pouvoir passer progressivement du livre lu à sa position dans la totalité de la bibliothèque numérique. C'est un peu l'expérience qu'offre un planétarium lorsque partant d'une planète, il montre comment celle-ci se situe dans l'univers céleste. Que l'on soit enfant ou adulte, l'expérience du planétarium est émouvante et unique : focus et contexte y font bon ménage. Les frontières de chaque planète se dissolvent pour laisser place à un espace qui coupe le souffle et invite à la méditation, au recul. Mais, ce n'est pas pour autant que les planètes disparaissent ou qu'elles en deviennent moins intéressantes. Bien au contraire, chacune dans sa singularité prend un relief particulier. Aucune n'est diluée, chacune fait l'objet d'interrogations particulières.
Il en va des livres et des bibliothèques numériques comme des planètes et du planétarium. Faut-il d'ailleurs rappeler combien astronomie et géométrie s'accordent ! C'est cet émerveillement intelligent que The DICE veut relayer. Certes, il ne s'agit plus de la géométrie de corps célestes mais d'une géométrie (de l'information) sociale. L'ambition de The DICE, c'est-à-dire de l'interface qu'il représente, est « simple » :
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Etre intuitif, facile d'utilisation et ludique,
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Situer tout livre dans la bibliothèque numérique préalablement calculée (agencée) en tirant parti des informations données par les livres et les lecteurs,
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Visualiser toute la bibliothèque, c'est-à-dire tous les livres sans exception en un seul espace,
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Suggérer des parcours complets et intelligents (au sens de la géométrie de l'information) de lecture à partir de n'importe quel livre,
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Permettre de lancer une recherche dans la bibliothèque (par exemple en texte intégral) dont a/ tous les résultats (livres) sont visibles à l'oeil nu, en une seule entité (contrairement à Google) et b/ tous les résultats (livres) sont situés dans leur voisinage aux autres livres qui, bien que ne contenant pas les mots-clés recherchés, leur sont voisins au sens des habitudes de lecture.
Dans la figure suivante, la courbe rouge illustre ce parcours le plus rapide vers le guide sur la Corée du Sud depuis le livre de départ.
1Nota Bene : Les figures illustrent la version bêta du Dice. Nous travaillons à l'heure actuelle activement à son design final.
2La fameuse longue traîne.
Let's DICE!
The DICE rend l'invisible visible, intelligible et intelligent. Le focus est mis en contexte. Ce contexte est tissé de focus intelligemment disposés dont la totalité n'est autre que la bibliothèque numérique elle-même. De cette intelligence naissent des parcours de lecture, comme autant de sentiers de grande randonnée dont l'emprunt est garant de belles et enrichissantes escapades. Tout cet édifice est rendu possible par un arpentage global de l'information, arpentage qui montre si besoin était combien les techniques d'arpentage local sont réductrices.
De fait, la philosophie du DICE, si bien incarnée par la bibliothèque numérique, embrasse un domaine qui dépasse largement celui des livres numériques. Musique, cinéma, annonces immobilières, destinations touristiques etc..., tout contenu numérique, dès lors que l'on dispose des données appropriées, peut être « dicé » . Et, il paraît évident qu'avec l'avènement des tablettes tactiles, on peut anticiper l'émergence d'une nouvelle génération de navigateurs web dont The DICE pourrait bien être la matrice.
Pour en savoir plus c'est ici: Download The_Dice